Jean-Marc Lattion a créé un monde fantastique, peuplé d’œuvres en métal façonnées au feu de sa forge ou de son chalumeau. Et a transformé en art un métier délaissé.
Lorsque vous demandez à Jean-Marc Lattion s’il est ferronnier ou artiste, il répond qu’il est sculpteur. À première vue, son atelier de Colombey (VS) ressemble à un lieu de travail classique, parsemé de machines et d’outils. Mais à y regarder mieux, le local est rempli de merveilles. Des chats élégants, des statuettes, du mobilier tout droit sorti d’un film fantastique: le tout, inclassable, ressemble à celui qui les a créés.
Jean-Marc Lattion est un personnage. Jeune homme, il entame des études d’ingénierie en mécanique qu’il délaisse au bout de quelques trimestres, déçu par l’atmosphère estudiantine. Il devient programmeur informaticien, mais étouffe dans son métier. « Je voulais une liberté totale, explique-t-il. Mai 68 était passé par là, et je ne voulais plus recevoir d’ordre de qui que ce soit. En regardant mon oncle, ferronnier, forgeron et maréchal-ferrant, j’avais appris les bases de son métier dès l’enfance. J’ai décidé peu à peu de me mettre à mon compte comme ferronnier d’art. »
Il fallait oser… L’homme est marié, père de trois enfants, et le métier est en voie de disparition. Rares sont les personnes qui apportent encore des outils à réparer. En 1976, il débute en réalisant quelques décorations pour les maisons et… une sculpture de chauve-souris commandée par un particulier. Le défi lui plaît. Il réalise un croquis et signe sa première œuvre.
Un monde imaginaire
Le travail du métal, pourtant pénible et long, le passionne. Il met au point une méthode novatrice qui lui permet de chauffer et de travailler le métal au chalumeau et non plus à la forge qu’il utilise de moins en moins.
Réalisées avec du matériel de récupération, ses œuvres sont impressionnantes, sorties en droite ligne de son imagination débordante. Sa dextérité à travailler le fer, l’acier ou l’aluminium est telle qu’il arrive à donner l’illusion qu’il recouvre ses tables d’un tissu noir, alors qu’il s’agit d’un effet de drapés en métal aux plis étrangement fluide. Ses chaises sont conçues autour de sièges de vieux tracteurs, qu’il recherche toujours dans le but de leur offrir une nouvelle vie. Un objet qui passe dans ses mains est doté d’une deuxième vie, marqué de sa griffe. Cet homme calme, indépendant et cultivé transcende le métal qu’il façonne pendant des jours entiers avec une patience infinie. Pour le clocher de l’église de Trois Torrents, il vient d’achever une croix surmontée d’un coq en trois dimensions, qu’il dévoilera dans le courant du printemps lors d’une exposition qui sera organisée sur son lieu de travail.
Inspiration d’Art brut
À l’extérieur de son atelier, le Jardin des Sculptures qu’il a commencé à installer est un enchantement. Des chats monumentaux de plus de trois mètres, racés et stylisés, voisinent avec une « Grande Femme » qui rappelle l’œuvre du même nom signée Giacometti. Qui la rappelle seulement: il ne s’agit pas de copies. Se contenter de comparer les sculptures de Jean-Marc Lattion avec celles des artistes qu’il admire serait réducteur. Très proches de l’art brut, toutes sont dotées d’une personnalité propre, aussi forte que celle de leur créateur. Belles, malicieuses, émouvantes, fantaisistes ou sobres, elles arborent fièrement leurs formes et cette patine de rouille qui, de loin, leur donne l’apparence du bois.
Ferronnier d’art… Sous le couvert de ce métier perdu, Jean-Marc Lattion transforme la matière, crée des bougeoirs, des luminaires, des décorations, du mobilier. Même s’il ne roule pas sur l’or, le sculpteur est heureux et déclare que si c’était à refaire, il exercerait le même métier, mais sans doute plus tôt. En n’oubliant jamais la définition qu’un prêtre lui a un jour donnée de sa profession: « ferronnier, c’est celui qui travaille le fer avec amour. » Amour et talent.
Martine Bernier
Du 6 au 11 juin 2011; de 14 à 21 heures, vous pouvez rendre visite à Jean-Marc Lattion route de Collombey-le-Grand- 5, 1868 Collombey (Suisse)
Il vient de terminer la croix et le coq-girouette qui orneront le clocher de l’Eglise de Troistorrents, en Valais.
Il présentera le fruit de ce travail délicat qui a demandé des mois de travail au cours d’une exposition à découvrir chez lui!